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Blog des élèves de cinéma du lycée Baudelaire de Cran-Gevrier


L'Apparition

Publié par Julien Ribiollet sur 8 Mars 2018, 22:47pm

L'Apparition

Le 11 février 2018, Sœur Bernadette Moriau est officiellement reconnue comme étant la 70ème miraculée de Lourdes, après avoir été inexplicablement guérie d’une paralysie quasi-totale qui l’empêchait de marcher depuis les années 60.

 

Le 14 février 2018 sort en salle le nouveau film de Xavier Giannoli, L’Apparition, qui met en scène une jeune fille à laquelle la Vierge serait apparue.

 

Continuant son investigation sur l’imposture et le mensonge, le réalisateur de A l’Origine, Superstar, et Marguerite propose une réflexion bouleversante sur la foi : « Croire ou ne pas croire ? » pour reprendre ses mots. Jacques (Vincent Lindon), grand reporter pour un quotidien français, reçoit un jour un mystérieux coup de téléphone du Vatican. Dans une petite ville du sud-est de la France, Anna (Galatea Bellugi), une jeune fille de 18 ans, a affirmé avoir eu une apparition de la Vierge Marie. La rumeur s’est vite répandue et le phénomène a pris une telle ampleur que des milliers de pèlerins viennent désormais se recueillir sur le lieu de l’apparition présumée. Jacques est alors chargé de mener une enquête canonique qui déterminera si Anna dit la vérité.

 

« Enquête » est le mot juste pour qualifier ce film qui réjouira les amateurs de polar. Interrogatoires, rebondissements, faux espoirs : le réalisateur nous tient pendant 2h15 grâce à un suspense constant et une intrigue qui implique directement le spectateur : comme Jacques, lui non plus ne sait pas que croire … Vincent Lindon porte de l’ambiguïté dans son jeu. Lorsqu’il est accueilli par le Vatican, on le voit en pourvoyeur de la vérité contre une grande conspiration. Puis, le visage de l’acteur se ferme dans un jeu empreint de subtilité qui rappelle le personnage de Thierry Taugourdeau dans La Loi du Marché (2015, Stéphane Brizé). "Que croire ?" : voilà la question que nous pose Xavier Giannoli. Et le film de dépasser le genre du polar pour nous livrer une réflexion passionnante sur la foi. Jacques est de nature sceptique. Il a besoin "de preuves, de concret". Alors il rassemble tous les indices qu'il peut : des témoignages, des photos du passé d'Anna, des rapports scientifiques quant à sa santé… Mais face à lui se dresse le mystérieux et ambigu Père Borrodine (Patrick D'Assumçao) qui surprotège Anna et dont l’intégrité n’est jamais vérifiée. Un bref et incisif échange résume leur affrontement : à l’accusation du journaliste de guerre : « Je crois que vous êtes dangereux. » répond la cinglante affirmation de l’homme de foi « Je crois que vous êtes vide.». Pourtant, plus le nombre d’indices augmente, plus Giannoli nous fait douter. C’est une force majeure de ce film : le processus d’identification entre l’acteur et le spectateur produit une narration au présent haletante et déstabilisante. Le personnage de Jacques agit comme si, symboliquement, il était l’envoyé spécial de ceux qui le regardent. Est-il en quête de vérité ou de spiritualité ? Anna le met – nous met – face à ce dilemme. La relation qui peu à peu se noue entre Jacques le cartésien et Anna la mystique est fascinante : l’acmé en est cette scène saisissante où la jeune fille, sublime, dans une posture évangélique, appose ses mains sur la tête de Jacques, pris de violentes douleurs. Cette relation proprement extra-ordinaire, que Xavier Giannoli suit pas à pas, est le véritable propos du film, plus que l’enquête en elle-même que le réalisateur clôt de manière presque brutale dans les dix dernières minutes.

 

L’évolution psychologique des personnages s’exprime moins verbalement que visuellement et Giannoli lui confère une dimension quasi artistique. La colorimétrie est travaillée de façon à ce que le film évolue de l’ombre vers la lumière et à ce que les tons se réchauffent au fur et à mesure que se rapprochent les personnages. Le rythme du montage ralentit pour correspondre à l’état d’esprit de Jacques. Les plans s'allongent : le reporter s’apaise. La musique enfin accompagne symboliquement les convictions et les émotions des personnages. Arvo Pärt se charge de rendre compte de la recherche méthodique des preuves ; les pièces de Claudio Monteverdi expriment quant à elles avec force la dévotion ; Jóhann Jóhannsson retranscrit le chaos à la fois médiatique et intime ; Georges Delerue enfin apporte l’apaisement.

 

Le célèbre Lacrimosa – la période du Requiem que Mozart n’achèvera pas – revient en leitmotiv tout au long du film comme pour signifier aux spectateurs avertis qu’il faut accepter l’incertitude… Il y aura peut-être de la déception parmi ceux qui attendaient la résolution de l’enquête mais Jacques, lui, ne cherche plus à comprendre l’Apparition : comme un écho au Requiem, il a trouvé le repos.

 

Julien Ribiollet 1S3

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