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Blog des élèves de cinéma du lycée Baudelaire de Cran-Gevrier


L'Agnello

Publié par Paul Lardet sur 19 Novembre 2020, 17:42pm

Catégories : #Comédie dramatique, #Drame, #émouvant, #réalité sociale

Mario Pirreda, votre tout premier long-métrage "L’Agnello", s’inscrit dans l’histoire du festival du cinéma italien d’Annecy puisqu’ayant reçu les trois prix du jury jeune, du public, et du meilleur film. Nous vous remercions d’avoir accepté de nous accorder quelques minutes pour cette discussion autour de votre film, et en sommes honorés.

 

Voudriez-vous commencer par nous parler du contexte dans lequel se déroule le film ?
 

Le film se déroule en Sardaigne, dans une zone toute particulière qui s’étend sur 120 km² sur la côte sud-est de l’île renfermant à elle seule 60% de l’armée italienne, et dans laquelle j’ai grandi. La cohabitation entre militaires et civils n’est pas toujours évidente, notamment sur le plan sanitaire ; nombreux sont les essais et expérimentations (de nouvelles armes par exemple), les simulations de guerre, ce qui est indissociable de terribles conséquences environnementales (dispersion de produits toxiques et cancérigènes issus de retombées radioactives et de résidus des explosions) et sanitaires (l’impact tumoral a atteint des pics très haut ces dernières années). Une des décisions majeures de mon film a donc été de représenter cette réalité, grâce à une des nombreuses familles de cette région, dont le père est atteint d’un cancer de la moelle osseuse en attente d’une greffe.

 

Vous adoptez ainsi un point de vue engagé, dénonciateur, né d’une expérience personnelle, qui peut-être vous a permis de trouver une voie pour vous faire entendre ?
 

Bien sûr, c’est une démarche engagée qui me tient à cœur, mais je n’annonce pas ces chiffres, on les sait depuis vingt ans, à travers les nombreux documentaires, reportages, enquêtes journalistiques à ce sujet. Et puisque vous évoquez la dimension autobiographique de mon long-métrage ; je m’y identifie également en retrouvant les paysages qui ont bercé mon enfance, qui m’ont vu grandir, mais aussi avec cette famille qui est au cœur du film. Une famille incomplète d’ailleurs : il ne faut pas oublier l’existence de la femme de Jacopo, et donc la mère d’Anita, notre jeune protagoniste de dix-sept ans, décédée d’un cancer, qui n’est donc pas physiquement présente dans le film mais qui évoque un passé très concerné par la situation sanitaire que l’on a évoquée. C’est à la fois ce passé encore imbriqué dans le présent et la condition modeste de la famille qui expliquent le fort caractère stéréotypé d’Anita, qui fait lui aussi écho à cette situation et incarne ainsi la Sardaigne. Ce personnage-là est au centre du film, parce que c’est aussi une représentation de l’espoir, et lors du casting, j’ai été convaincu que Nora Stassi était l’actrice qu’il fallait pour rassembler tous ces sujets. Le seul élément qui me gênait chez elle était son tatouage sur le visage, mais avec du recul j’ai compris que c’était aussi un élément qui rappelait sa personnalité très marquée et qu’il ne perturbait en aucun point le film.

 

Vous évoquez le personnage d’Anita et son interprétation par Nora Stassi, les autres protagonistes sont eux aussi des personnages forts auxquels on s’attache, et pas uniquement grâce au scénario mais aussi grâce à un casting très réussi. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?
 

En effet, le casting a été un travail conséquent. Sans de bons acteurs, le film aurait perdu en crédibilité, et je voulais éviter cela à tout prix. Je tenais donc vraiment à trouver les acteurs parfaits, j’en avais une idée très précise. Sans compter que je voulais absolument des sardes. Je pense que notre casting est plutôt satisfaisant. Les acteurs n’avaient pas une grande expérience en matière de jeu, le plus expérimenté de tous était Piero Marcialis, le grand-père d’Anita, qui avait participé à la réalisation de cinq films ! J’ai été fasciné par le jeu d’acteur de Michele Atzori (l’oncle d’Anita, le frère de Jacopo) à qui j’ai permis de tourner premier film ! Interpréter son personnage n’était pas une mince affaire ; égoïste, alcoolique, et vivant de ferraille volée, Gaetano avait tout du personnage que l’on déteste. J’étais sûr que Michele Atzori saurait être les deux Gaetano : celui du début, ténébreux, puis celui de la fin, généreux.

Ainsi, le fait de gagner trois prix au festival a permis de récompenser ces magnifiques acteurs et de faire entendre leur nom dans ce milieu, j’en suis très fier.

 

Une question, pour finir, que nous nous sommes tous posée : en quoi le rôle de l’agneau est-il si important, au point de donner ce titre à votre film ?
 

De quel Agneau parlez-vous ?! N’oubliez pas qu’il y en a deux !

Selon moi, il est très important d’établir le lien entre la première séquence, et l’achèvement de l’histoire. Cette ouverture du film, encore faut-il s’en rappeler, et c’est pourtant un élément constitutif à mes yeux. Essayons de la résumer : une brebis met bas à un petit agneau, et décède, permettant alors à son enfant de croquer la vie à pleine dents. C’est exactement ce qui arrive à notre deuxième agneau Anita et à ses deux parents. Parmi les nombreux thèmes qu’aborde le film s’ajoute ainsi l’espoir d’un combat poursuivi par les plus jeunes. D’ailleurs, j’ai glissé un petit indice qui permet de renforcer l’analogie : le grand-père fait part de la naissance compliquée de l’agneau, ajoutant qu’il ne mange rien, et Anita se compare à lui.

Remémorez-vous également la dernière scène ; Anita tond l’agneau que l’on a suivi tout au long du film, lui aussi grandi. Bien sûr, cette scène a déjà eu lieu, lorsque Anita a rasé les cheveux de son père, comme pour finir le film sur un présage, une prévention qui rappelle que le risque sanitaire est toujours là.

 

Propos recueillis et traduits de l’italien par Paul Lardet
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