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Blog des élèves de cinéma du lycée Baudelaire de Cran-Gevrier


Une année difficile

Publié par les élèves du lycée Baudelaire sur 20 Novembre 2023, 11:20am

Catégories : #Comédie française, #Société

 

Après Le sens de la fête, Intouchables et Hors Norme, le nouveau film d’Eric Toledano et Olivier Nakache Une année difficile prend sa source dans un sujet d’actualité plus tendu que jamais.

 

Le regard critique des deux réalisateurs se penche cette fois ci sur le milieu associatif écologique, avec un résultat… en demi-teinte. Malgré un casting réussi et des têtes d’affiche qui ont déjà fait leurs preuves, avec Jonathan Cohen incarnant Bruno, un trentenaire raté, divorcé et croulant sous les dettes, et Pio Marmaï dans le rôle d’Albert, vivant à la rue et de la même manière, endetté jusqu’au cou, on reste dans un choix d’acteurs assez redondant et peu original : on regrette un sortie de la zone de confort qui aurait pu être judicieuse. Le scénario revisite une lutte des classes, avec nos deux protagonistes, en situation sociale isolée, précaire, qui se retrouvent par hasard au milieu d’un groupe d’activistes écologiques, qui sonne assez faux et cliché. La meneuse principale au surnom ridicule, « Cactus », est une fille de bonne famille, qui a tout plaqué au milieu de ses études pour s’engager dans ce mouvement écolo, directement inspiré du mouvement extinction rébellion. Dans un contexte politique aussi tendu, de dissolution des Soulèvements de la Terre par Olivier Darmanin notamment, mais aussi du projet de l’autoroute A69, on peut remettre en question le choix des réalisateurs de ridiculiser ces mouvements. Les militants sont caricaturés en extrémistes, reprenant presque le mythe de la féministe hystérique, et aucune place n’est laissée à leurs arguments dans ce long-métrage. Ainsi le changement de Bruno et Albert, dont les convictions semblent évoluer dans le sens du mouvement, demeure inexplicable et assez illogique. Il aurait été intéressant de les voir se remettre en question, et réellement douter de leurs positions initiales, dans la découverte de l’autre. Au final, leurs motivations restent purement intéressées, par l’argent tout d’abord, puis par l’amour pour Albert qui s’entiche de la meneuse Cactus. Cela relance cette question épineuse : Peut-on rire de tout ? Tourner en ridicule un mouvement dont on a plus que jamais besoin aujourd’hui me paraît difficile, et leur caricature maladroite résonne tristement dans l’actualité.

 

On peut cependant reconnaître aux réalisateurs une scène d’exposition très réussie, dans laquelle les militants organisent une action blocus lors des black fridays. On a une sorte de suspense croissant, rehaussé par la marche orchestrée, millimétrée des militants qui se regroupent peu à peu, dans une succession scénaristique de différents moyens de transport et un jeu de regards mystérieux qui accentue l’incompréhension du/de la spectateur/rice, projeté dans l’intrigue. La scène de démence à l’ouverture du rideau du magasin, la foule se jetant pêle-mêle dans une folie animale, est très bien réussie, l’utilisation des ralentis sublimant juste assez les expressions rageuses des acheteurs/euses. A cet instant précis, le jeu des acteurs et la musique s’associent dans une osmose réussie, et le génie des scénaristes réside dans le fait que chacun/e est dans la possibilité de s’identifier à cette démence consommatrice, tout en s’en considérant bien loin dans son orgueil humain. Malheureusement, cette scène est la seule qui s’attarde sur les personnes « lambda », peut être par manque de courage des réalisateurs, et le reste du long-métrage ne fait que pointer du doigt les « excentriques » écologistes. Au lieu de normaliser cet engagement, Toledano et Nakache les isolent des « gens normaux ».

 

Le comique du film se déroule donc à travers une série de blagues sur les écolos, plus ou moins réussies. En parallèle, le quotidien de nos deux protagonistes, lui s’inscrit dans le réel, et le spectateur suit leurs nuits dehors, leurs rapports aux autres auxquels ils doivent déjà beaucoup d’argent, leurs fuites devant la police… En bref, un mode de vie difficile, qui suscite tout de même l’empathie.

 

Le court-métrage se clôture dans un Paris déserté, où nos deux amoureux se retrouvent, (apparemment tous les griefs pardonnés) sur un schéma à l’eau de rose. On passe d’une histoire jusque là assez réaliste à une scène s’évadant plutôt du réel, où Albert libère Cactus de ses angoisses climatiques en vidant Paris de toute trace de vie.

C’est donc pour moi un bilan mitigé, avec des talents mal exploités dans une fresque qui se veut sociale mais qui rate sa cible sur ce sujet délicat, abordé ici avec lourdeur.

 

Yvonne Lupovici T°4

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