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Blog des élèves de cinéma du lycée Baudelaire de Cran-Gevrier


Le Voyage du Prince

Publié par les élèves du lycée Baudelaire sur 2 Mars 2020, 13:44pm

Catégories : #Animation, #conte, #environnement

« Montre-moi ton monde, petit »

Sorti en décembre 2019, Le Voyage du Prince est un long-métrage de 1h17 réalisé par Jean-François Laguionie et Xavier Picard, une production entièrement française et luxembourgeoise. On se souvient notamment de Jean-François Laguionie qui avait déjà réalisé en 1999 un film d’animation sur ce sujet intitulé Le Royaume des singes ; cette fois encore le réalisateur nous fait rentrer tout en douceur dans son univers qui n’est pas sans résonner avec le nôtre. Il pourrait presque s’agir d’un conte, raconté aux enfants pour les endormir le soir : dans une société sclérosée par la consommation et la peur de l’autre, un Prince issu d’une terre lointaine échoue sur le rivage. Recueilli par une famille habitant en marge de la ville, il découvrira grâce au jeune Tom avec qui il nouera connaissance cette nouvelle terre sur laquelle il est arrivé.

C’est une histoire simple, presque contemplative tant le rythme est lent par moments. Le scénario peut sembler plat et est bien loin des rebondissements multiples des blockbusters américains, mais par sa façon d’avancer sans fioritures le message n’en est que plus clair.  Aux cotés de Tom et du Prince, nous entrons dans une société mue par l’ »obsolescence programmée », un processus industriel qui contraint les singes du pays à ne jamais cesser de consommer des objets périssables. Plus que tout, ces singes, les Nioukos, ne se parlent pas et vivent dans une peur de l’autre ancrée depuis des siècles. Cela ne fait que rappeler ce que nous vivons aujourd’hui, dans cette société où consommer est devenu nécessité et où la psychose ne fait qu’augmenter. Il s’agit d’un message de tolérance que veulent nous faire passer Jean-François Laguinoie et Xavier Picard,  un appel à la découverte, aux rencontres, à l’audace tout simplement. Cependant, il ne s’agit pas de se voiler la face : ce n’est pas une mentalité ancrée depuis des siècles qui peut changer du jour au lendemain. Malgré l’impact de nos deux héros sur leur entourage proche, la majorité des singes reste figée dans le reniement du changement.

Associé à ce précieux message, les deux réalisateurs nous parlent également de l’environnement et de la biodiversité florale. En effet, les Nioukos exercent une lutte continue et violente contre la Forêt qui envahit au fil du temps la ville dans laquelle ils habitent. A cet égard, le personnage de la scientifique, mère de Tom, représente parfaitement le paradoxe actuel, mais dans un monde inversé. En effet, cette amoureuse des plantes se voie contrainte de chercher un poison contre les fleurs qu’elle a jadis chérie, afin de protéger sa ville et ses habitants. Pour nous, c’est l’inverse : afin d’étendre nos zones rurales, nourrir les gens de plus en plus nombreux et les loger, nous sommes contraints d’éradiquer la nature ou encore de la transformer à nos propres fins. Le résultat est cependant le même : une dégradation de l’environnement toujours plus dirigée et cruelle. Le long-métrage nous offre tout de même un compromis lorsque nous rencontrons le peuple des arbres : ceux-ci habitent à la cime de la Forêt et leur façon de vivre est en adhésion avec la Nature. Ce peuple doux n’est cependant pas idyllique, car ils passent leurs journées à… ne rien faire. Les réalisateurs ne nous donnent pas une solution facile : entre la ville des Nioukos et le peuple des arbres, entre le constant fourmillement de la ville terrestre et la passivité du peuple des arbres, il n’y a pas de monde parfait ; il y a peut-être seulement le moins pire.

Pour véhiculer toutes ces intentions, Le Voyage du Prince privilégie des couleurs pastels aux tons doux et une animation 3D au rendu penchant vers le 2D. Il s’agit d’un travail très fournit sur le concept art de la ville des Nioukos, au niveau des couleurs au rendu un peu ternes et du fonctionnement de cette société figée dans le temps. Les couleurs traduisent une ambiance reconnaissable et singulière en fonction du lieu : la forêt, la ville des Nioukos, le parc d’attraction de la peur… Pour appuyer les éléments visuels et les péripéties de nos deux héros, la bande originale colle parfaitement et nous transmet la majesté de chaque lieu avec précision. De fait, Christophe Héral s’appuie sur une partition décalée inspiré des compositeurs américains des années 40 pour traduire au mieux le « monde moderne » des singes de la ville.

S’adressant à tous genres de publics, Le Voyage du Prince est un long-métrage qui enrobe sous sa couverture de conte un message des plus actuels sur le monde qui nous entoure, qui tire la sonnette d’alarme avec gentillesse mais fermeté. Jean-François Laguinoie et Xavier Picard ne prétendent pas avoir une réponse, ils souhaitent simplement montrer leurs inquiétudes à l’égard du futur de la société, nous faire réfléchir sur nos actions et sur ce pour quoi nous nous engageons. Tant au niveau de l’expérience visuelle et sonore ou au niveau du sens de l’histoire, Le Voyage du Prince est un immanquable.

 Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=yBOl7LpyIPU

                                                                                                                         Marie-Lou Lejeune

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